La visite de l’exposition temporaire
À chaque exposition temporaire organisée au musée d’Orsay, je suis impatient. Par leurs thèmes et les artistes mis à l’honneur, ce sont toujours des moments importants dans la vie culturelle parisienne. Si l’art moderne et contemporain est réservé au Centre Pompidou et l’art précédant le XVIIIème siècle se retrouve au Louvre, celui des impressionnistes notamment et des artistes des années 1800 – 1900 se découvre dans cette ancienne gare parisienne.
Lorsqu’en plus on apprécie fortement l’œuvre d’Hilaire Germain Edgar de Gas, dit Edgar Degas, on ne peut être qu’enthousiaste à l’idée de découvrir cette nouvelle exposition, en collaboration avec l’Opéra de Paris qui fête actuellement ses 350 ans. En effet, tout au long de sa vie, Degas a fait de l’Opéra le point central de ses travaux. Pour notre plus grand bonheur, près d’une centaine d’œuvres sont rassemblées au musée d’Orsay pour nous partager sa passion pour ce lieu, ses coulisses, son architecture, ses danseuses, ses musiciens et tout ce qui constitue ce monde si particulier de l’Opéra.
Edgar Degas et l’Opéra
Degas était passionné par la musique et le spectaculaire de la scène. Alors que ses compagnons impressionnistes s’évertuent à profiter pleinement de la révolution des tubes de peintures qui permettaient de peindre en extérieur pour profiter de la lumière naturelle, lui préfère l’opéra. Dans ce temple de l’illusion, il trouve toute l’inspiration qu’il lui faut pour refléter au mieux son art. L’ensemble des personnes qui fréquentent cet endroit sont d’ailleurs autant de sujets pour ses expérimentations et lui permettront de singulariser son art par rapport à tant d’autres artistes de la même époque.
En effet, combien ont cherché à mettre autant en avant les autres artistes, ceux de la scène, que ce soit avant ou après lui ?
En 1867, il peint le Portrait de la danseuse Eugénie Fiocre, première danseuse de l’Opéra de Paris (titre qui deviendra plus tard « danseuse étoile). Mais ce n’est qu’à partir des années 1870 qu’il devient familier avec l’opéra, notamment celui du Palais Garnier inauguré en 1875. En 1885, il obtient le statut d’ « abonné des trois jours ». Avec, il peut assister aux représentations du lundi, du mercredi et du vendredi, accéder aux coulisses et fréquenter le foyer de la danse. De cette proximité avec l’envers du décor, Degas s’imprègne de l’ambiance pour la retranscrire dans ses tableaux qu’il peignit jusqu’en 1890 environ. Puis lorsque sa vue baissa, il se consacra principalement au dessin et au pastel. Le sens de la visite reprend celui de la vie de l’artiste.
Edgar Degas – Portrait de Mlle Eugénie Fiocre à propos du ballet de la Source (1868)
En pénétrant dans les secrets de cette institution, il nous rapporte les scènes de travail, de répétitions et de repos des danseuses. On y découvre également avec un certain regard et un sens de la perspective, des vues élargies sur la vie du quotidien de tous ceux qui composent la vie d’un opéra. Mais ce qui me touche dans le style de Degas, c’est l’incroyable sensation qui se dégage de ses peintures. Dans un style presque enfantin (le plus difficile à apprendre), il nous montre des scènes peu lumineuses mais qui comportent toujours un brin de couleur vive. Presque poétique, elles se manifestent par le biais de foulards rouges, de ballerines roses, de ceintures vertes ou de robes jaunes. De plus, les visages comme les corps sont souvent suggérés, laissant à notre imagination le soin de se plonger dans cet univers si singulier.
Edgar Degas – La Classe de danse (1873)
Edgar Degas – Danseuse à l’eventail (1879)
L’Opéra comme laboratoire pour Degas
Tout au long de l’exposition Degas à l’Opéra, le visiteur est confronté à l’ensemble de techniques auxquelles a eu recours l’artiste pour illustrer cet univers. Ainsi, la gravure, la lithographie, la photographie, le pastel, la peinture sur toile, papier et même des éventails nous sont présentés. On y admire également la seule sculpture de l’artiste : la Petite danseuse de quatorze ans. Une œuvre audacieuse mêlant de la cire avec du crin et du tissu.
Anecdote
Lorsque les visiteurs de l’exposition impressionniste de 1881 découvrent la ballerine citée précédemment, ils sont horrifiés. Confortés dans leur idée par les journaux qui la décrivent comme « effrayante » ou encore comme une « bestiale effronterie ». Mais pourquoi tant de haine?
Simplement parce qu’elle est jugée trop réaliste… En effet, ses chaussons, son tutu et ses cheveux eux sont bels et bien réels. Du jamais vu à l’époque. Et aujourd’hui? À vous de vous faire votre avis.
De nombreux croquis et dessins, visant à préparer ses œuvres, sont justement juxtaposés aux résultats finaux. Cette présentation tend à nous montrer le parcours créatif et artistique nécessaire, et la réflexion autour de ses nombreux tableaux. Par morceaux, les personnages centraux sont alors dépouillés de tout, et ne sont représentés qu’avec l’aide de traits de crayons noirs. Comme pour mieux prévoir les différentes perspectives, et la place qui doit lui être accordée ensuite dans la composition finale.
Edgar Degas – Jules Perrot (1875)
Edgar Degas – La Classe de Danse (1876)
Edgar Degas – Danseuse vue de dos et trois études de pied (1878)
Edgar Degas – Danseuse vue de dos les mains sur les hanches (1873)
Avec la peinture sur les éventails, il réussit à transformer un accessoire de mode très répandu à l’époque, en un nouveau type de tableau ; sa forme rappelle celle de la scène de l’opéra.
Les tableaux en long de Degas
Ce que l’artiste appelle « tableaux en long » est en réalité un format atypique : celui du double carré, soit une unité de hauteur pour deux de longueur. Degas les conçoit systématiquement le long d’un fort axe diagonal, d’un angle inférieur à un angle supérieur opposé. Les sujets qu’il choisit, et qui sont exposés dans la salle de l’exposition temporaire, sont les danseuses.
De cette diagonale tirée en travers de ses œuvres, un élan se créé et impose à l’œil une sensation de dynamisme. On a l’impression de suivre une seule et même ballerine à différents instants de sa journée dans une même pièce. Notre œil décompose ainsi l’action proposée, et nous la représente dans notre esprit. Des œuvres exceptionnelles qui de plus, sont rarement aussi nombreuses à être réunies dans une même salle. L’exposition Degas à l’Opéra la fait pour vous, il est temps d’en profiter.
Edgar Degas – La Leçon de danse dans la salle de répétition (1879)
Edgar Degas – La Leçon de danse (1880)
L’éclairage et la gestion de la lumière à l’Opéra par Degas
La lumière au sein des salles de spectacle fascinait Degas. Qu’elle soit issue des lustres ou des becs de gaz, elle avait une incidence sur les corps et leurs représentations, ainsi que sur la gestion de l’espace sur la scène et dans la salle. Par exemple, les faisceaux lumineux issus du sol, avaient tendance à déformer les visages et donnaient aux acteurs, chanteurs et danseurs, l’impression de porter des masques.
Avec ses jeux de lumières, l’artiste s’emploie à utiliser des angles nouveaux pour peindre ses sujets. Vues de biais, de dessus ou de dessous, depuis les loges, la scène et les balcons, le regard des spectateurs se révèlent alors sous un angle particulier.
Et même lorsque la technologie s’améliora, et bien que la lumière nous serve à définir le réel, Degas insista encore sur la puissance de la perception que l’on peut avoir des représentations.
Edgar Degas – Étude de loge au théâtre (1880)
Edgar Degas – Les Musiciens (1872)
Les couleurs et les danseuses
Les dernières salles s’éloignent des précédentes, tant au niveau des motifs représentés qu’à la technique utilisée. Mais si le style change, la beauté et la qualité des œuvres restent. On y retrouve plus de couleurs sur ses danseuses, définies par des traits plus appuyés. Ces dernières œuvres de l’exposition Degas à l’Opéra correspondent également à celles de sa fin de vie. Les danseuses sont largement représentées et des croquis montrent l’ensemble de son travail préparatoire.
On sort alors quelque peu de l’univers de l’opéra, puisque le décor se fait de plus en plus absent. De même, à quelques pas, l’exposition se termine et les danseuses nous accompagnent jusqu’à la sortie de cet univers clos qu’elles nous ont permis de découvrir jusque dans les coulisses.
Edgar Degas – Deux danseuses en jaune (1896)
Edgar Degas – Trois danseuses (1895)
La visite de l’exposition Degas à l’opéra
Pour découvrir cette exposition je me suis rendu à l’ouverture un mardi matin. Il y avait malgré cela, beaucoup de personnes qui souhaitaient rentrer au musée d’Orsay. Les indications pour rejoindre le début de l’exposition sont très claires et facilement accessibles.
Le parcours commencé, prenez le temps de lire l’ensemble des explications entourant l’artiste, son œuvre et son rapport à l’opéra. Se faisant, de nombreuses personnes vous auront rejoint et vous pourriez avoir le sentiment qu’il y a trop de monde autour de vous. Passé les deux premières salles, la densité de personne diminue et vous laisse davantage le loisir de profiter des œuvres.
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Le musée d’Orsay
Site de l’exposition | cliquer ici |
Adresse | 1 rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris |
Accés | Métro 12 Solférino RER C Musée d’Orsay |
Horaires d’ouvertures | Lundi : fermé Tous les jours* : 9h30 – 18h *Nocturne tous les Jeudi jusqu’à 21h45 |
Tarifs d’entrée | Plein Tarif : 12 € Tarif Réduit* : 9 € Gratuit : pour tous le premier dimanche du mois, -18 ans, 18-25 ans ressortissants de l’UE, visiteurs handicapés avec un accompagnateur, demandeurs d’emploi. *: 18-25 ans non ressortissants de l’UE, pour tous à partir de 16h30 (sauf le jeudi), pour tous le jeudi en nocturne à partir de 18h. |