Quand venir visiter l’exposition temporaire Bacon en toute lettres au Centre Pompidou
Pendant toute la durée de l’exposition temporaire, le Centre Pompidou est en rénovation. De plus, du fait de l’importance de Francis Bacon, il vous faut réserver votre billet pour découvrir ce que renferme la galerie 2 du sixième étage. En effet, vous risquez de devoir montrer votre billet pour pouvoir entrer ne serait-ce que dans le musée.
Prévoyez autour d’une heure entre la première œuvre et la dernière œuvre pour profiter de cette exposition temporaire dédiée à Francis Bacon, un événement rare.
Pour vous remettre de vos émotions, je vous invite à participer à notre visite guidée des Halles et du Centre Pompidou pour découvrir les autres richesses de ce quartier historique de Paris.
Le sens de la visite de l’exposition Bacon en toutes lettres
« Les grands poètes sont de formidables déclencheurs d’images, leurs mots me sont indispensables, ils me stimulent, ils m’ouvrent les portes de l’imaginaire ». Par cette citation empruntée à Francis Bacon, se résume cette exposition temporaire. Sa ligne directrice s’articule autour de la passion de l’artiste irlandais pour la littérature, la philosophie, la poésie et les tragédies grecques au-travers de six salles installées en quinconces au fil du parcours. Elles remplacent les traditionnelles explications murales pour comprendre l’artiste. À l’intérieur, des haut-parleurs vous lisent Les Euménides d’Eschyle (Salle 1), La vision dionysiaque du monde par Nietzsche (Salle 2), La Terre vaine du poète anglais Eliot (Salle 3), un extrait du Miroir de la tauromachie de l’écrivain Michel Leiris, écrivain, ethnologue et critique d’art français (Salle 4). Puis vous écoutez Au cœur des Ténèbres de Joseph Conrad (Salle 5) et enfin Abattoir de Georges Bataille, écrivain français (Salle 6). Ces salles dites « de lecture » apportent le relief nécessaire à la compréhension de l’ensemble des toiles présentées.
Ces œuvres littéraires sont toutes issues de l’impressionnante bibliothèque de Francis Bacon. Ainsi ces salles de lecture sont autant de phrases retenues ou mémorisées par le peintre. Ces phrases qui hantaient, notamment le vers d’Eschyle « l’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux » et ont inspiré son œuvre.
En tout, une soixantaine de chefs d’œuvres sont exposées dont douze triptyques. Ils sont tous issus des vingt dernières années de la vie de l’artiste, soit après la mort de son compagnon qui se suicida, à la veille du vernissage de sa précédente grande exposition parisienne au Grand Palais, en 1971. Cette période de sa vie est la plus cotée sur le marché de l’art mais également aux yeux du public.
Le style de Francis Bacon
Si on ne connaît pas Francis Bacon et son histoire, on peut être aussi dérouté que surpris de prime abord. Ce fut mon cas. C’est en tendant l’oreille et en écoutant les autres visiteurs que j’ai pu en apprendre plus sur ce style bipolaire si particulier. Les formes géométriques sont très bien dessinées. Le fond est formé par un aplat très rigoureux de couleurs vives, composé de jaune citron, de rose bonbon, d’orange… Une palette incandescente et innocente qui provoque un vide, un décor abstrait, simple, épuré et figé. Il s’oppose complètement aux figures humaines en mouvement et tourmentées, peintes parfois d’un seul geste dont les couleurs sont plus sombres, et les traits plus appuyés.
Francis Bacon – Study from the Human Body (1986)
Francis Bacon – Three figures and portrait (1975)
Dans ses triptyques, le mouvement est représenté en montrant un même sujet à des moments différents, liés entre eux par un geste accéléré.
Mais alors pourquoi une telle opposition entre les différents plans ?
Tout simplement parce que Francis Bacon voulait peindre la vie elle-même, celle qui est par définition en mouvement permanent, et si difficile à capter avec une toile figée. Le style de Bacon s’exprime alors en peignant le mouvement, pour lutter contre un état statique qu’il refuse, impression qui est accentuée par une figure en avant, et un décor simple en retrait.
Il mêle la douceur des couleurs et la violence torturée des images troubles, afin d’attirer le regard du spectateur. Il peint la mémoire vivace et floue à la fois, il n’embellit rien et nous livre la vie comme il la perçoit, comme une tragédie grecque. Son sens de la composition est époustouflant, parce qu’il arrive à tout dire en peu de lignes.
Francis Bacon – Second version of Triptych 1944 (1988) left
Francis Bacon – Second version of Triptych 1944 (1988) center
Francis Bacon – Second version of Triptych 1944 (1988) right
Francis Bacon, un artiste tourmenté
En 1926, alors âgé de 17 ans, son père le chasse du foyer familial suite à la découverte de son homosexualité. Pour rappel, il fallu attendre 1967 pour que l’homosexualité soit dépénalisée en Angleterre. En 1934 (25 ans) a lieu sa première exposition personnelle. Mais blessé par les critiques, il détruit ses propres œuvres. 7 ans plus tard, il se porte volontaire dans la défense civile mais son asthme l’empêche d’aller plus loin. Cette liste non-exhaustive d’aléas ont forgé la personnalité à part et torturée de cette artiste phénoménal.
Refusant les conventions, il fait parti de ces artistes sulfureux qui s’enorgueillisse de n’avoir eu aucun maître, ni d’école véritable.
Le suicide de son compagnon et modèle George Dyer, en 1971, est un bouleversement pour lui. Le lendemain, Francis Bacon entrait dans l’histoire comme étant le seul peintre avec Picasso à avoir une rétrospective consacrée à son art au Grand Palais. Cette mort prématurée a obscurci les vingt dernières années de l’artiste, alors au faîte de sa gloire. Trois triptyques sont d’ailleurs consacrés à l’homme avec qui il entretint une relation orageuse pendant sept ans, où ils ne se quittèrent pas. Époustouflant, la tourmente de Francis Bacon s’y révèle et sa culpabilité avec. Celle là même qui se retrouve dans Les Euménides qui le poursuivent, reprenant encore une fois l’image de la tragédie grecque.
Francis Bacon – In memory of George Dyer (1971) left
Francis Bacon – In memory of Geroge Dyer (1971) Center
Francis Bacon – In memory of George Dyer (1971) right
La corrida vue par Francis Bacon
Au milieu de tous ces tableaux, voir l’Étude pour la corrida n°2 m’a intrigué. La présence de la culture tauromachie encerclée de visages torturés, et de personnages difformes trouve sa raison avec Michel Leiris (Salle 4). Influencé par leur goût respectif pour la violence, Bacon réalise trois Études pour la corrida en 1969, dont celles que vous pouvez admirer.
Sur Étude de taureau, ce qui sera son dernier tableau, le panneau est blanc et une ombre noire semble flotter. La véritable poussière que l’artiste a lui même récupéré dans son propre studio floute les pattes de la bête dont on ne sait si elle sort ou entre dans l’arène. C’est là toute l’ambiguïté de l’oeuvre.
La violence, mais aussi le caractère sexuel que lui évoquait la corrida attiraient Bacon, qui la considérait, à l’instar de la boxe, comme « un apéritif merveilleux pour l’amour ».
Francis Bacon – Study of a bull (1991)
Francis Bacon – Study for bullfight N°2 (1969)
Le Centre Pompidou
Site de l’exposition | cliquer ici |
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Adresse | Place Georges-Pompidou, 75004 Paris |
Accés | Métro 1, 4, 7, 11, 14 Châtelet RER A, B, D Châtelet les Halles Lignes de bus 29, 38, 47, 75 |
Horaires d’ouvertures | Lundi : 11h – 21h Mardi : fermé Mercredi : 11h – 21h Jeudi : 11h – 23h Vendredi : 11h – 21h Samedi : 11h – 21h Dimanche : 11h – 21h |
Tarifs d’entrée | Comprend l’accès au musée et à l’exposition temporaire. Tarif plein : 14 € Tarif réduit : 11 € |