Dissimulé derrière un mur imposant, longeant le boulevard des Invalides dans le 7ème arrondissement de Paris, un des plus beaux jardins de la ville abrite le musée Rodin. Dans l’ancienne demeure du maître, l’hôtel Biron, retrouvez les œuvres les plus célèbres de celui qui a choisi de rompre avec les usages de son temps. Du Penseur aux Bourgeois de Calais, des monuments dédiés à Victor Hugo et Balzac, de ses amitiés Antoine Bourdelle et de sa relation avec Camille Claudel, revivez le temps d’une visite l’œuvre d’un collectionneur, d’un sculpteur, d’un homme de son temps qui a marqué la France.
Visiter le musée Rodin au sein de l’hôtel Biron
Achevé en 1730, l’hôtel Biron qui reçoit près de 700 000 visiteurs par an, a eu de nombreux occupants célèbres ou prestigieux. Le premier d’entre eux, celui pour qui la demeure a été construite était Abraham Peyrenc de Moras, seigneur de Saint-Étienne. Il fut suivi par la belle-fille de Louis XIV puis par le maréchal Biron.
Par la suite, les lieux furent utilisés par l’Ambassade de Russie, puis la Société du Sacré-Cœur de Jésus, couvent religieux où Eugénie de Montijo, ancienne épouse de Napoléon III et dernière femme à avoir gouverné la France, reçut son éducation 1835 et 1839. Les religieuses partirent après la séparation des pouvoirs définie par la loi en 1905, les lieux étaient alors dans un état de délabrement avancé.
Par la suite, de nombreux artistes comme Henri Matisse, Jean Cocteau et… Auguste Rodin reçoivent l’autorisation d’y établir leurs ateliers avant que l’Etat ne rachète les lieux en 1911. Le sculpteur décide d’offrir ses collections à condition que l’hôtel Biron soit consacré à son œuvre. Le musée ouvre en 1919, soit deux ans après la mort de Rodin qui ne put admirer son plus bel hommage.
Avant de visiter le musée Rodin, présentation de ses débuts, pour mieux comprendre son œuvre.
Un destin façonné
Les sculptures de Rodin ont marqué un tournant dans la sculpture moderne. Et si cela était dû à sa forte myopie ? Celle-ci l’empêcha de réussir à l’école, où il préférait griffonner des dessins sur son cahier alors juste sous ses yeux. Ses parents décidèrent de l’encourager dans cette voie, et façonnèrent son fabuleux destin, en l’inscrivant à l’ancêtre de l’École nationale supérieure des arts décoratifs. Là, il suit les cours et l’influence d’Horace Lecoq de Boisbaudran. Des années avant l’avènement des impressionnistes, la méthode du maître consiste à préserver la sensibilité de chaque élève en lui enseignant à utiliser… sa vue et sa mémoire visuelle.
À 15 ans, il découvre la sculpture. Il commence à se rendre régulièrement au Musée du Louvre pour observer les figures antiques, et les dessiner. Il se rend également aux cours de dessin de la Manufacture des Gobelins pour apprendre le nu.
À 17 ans, il tente d’accéder au concours des beaux-arts. S’il réussit l’épreuve de dessin, il échoue plusieurs fois à celle… de sculpture. Pour expliquer ses échecs, on peut mettre en avant les traditions néo-classiques qui sont plébiscitées à cette époque. C’est justement sur ce terrain fertile que la modernité de Rodin prendra justement son essor quelques années plus tard. Mais en attendant, le jeune Auguste est artisan-sculpteur dans divers ateliers pour subvenir à ses besoins.
Rodin a 23 ans lorsqu’il façonne la sculpture de l’homme au nez cassé, qu’il tenta d’exposer au Salon de Paris de 1865 sans succès. Il ne le sera qu’à celui de 1875. La même année, il voyage en Italie pour découvrir l’art de Donatello et de Michel-Ange, qu’il admire et dont il souhaite s’inspirer.
Les premiers succès et l’avènement du style Rodin
Rodin a 37 ans en 1877 lorsqu’il réalise en 18 mois L’Âge d’airain, sa première grande œuvre. Son nom n’est pas anodin, l’airain étant une manière élégante de parler de son matériau de prédilection : le bronze. La statue présentée dans le musée Rodin montre en grandeur nature, le plâtre d’un jeune soldat belge. Malgré la polémique qui naît des accusations selon lesquelles l’artiste aurait fait un surmoulage sur le modèle vivant, le génie de celui qui réalisa une œuvre nouvelle fut reconnu par ses pairs. L’Âge d’airain marqua les débuts de sa riche carrière où les commandes s’accumulèrent.
L’année suivante, pour faire définitivement cesser les dernières critiques, il créé Saint Jean-Baptiste. Cette statue plus grande que nature et qui fait également parti du parcours de la visite du musée Rodin, montre à tous qu’il n’a pas recours à la technique du moulage. Tout s’exprime. L’émotion des membres est palpable. Les mains, les pieds et le visage sont parfaits par leur finesse et leur ressemblance avec le vivant.
L’Âge d’airain est finalement acheté par l’État en 1880 et Saint Jean Baptiste l’année suivante. Le « style Rodin » est consacré et reconnu, bien qu’en total rupture avec l’art académique qui prévalait jusqu’alors.
Visiter le Musée Rodin et son jardin de sculptures
La Porte de l’Enfer
En 1879, fort de sa renommée en pleine croissance exponentielle, l’État lui commande une porte en bronze pour venir ornementer l’entrée du prochain musée des arts décoratifs de Paris, à l’emplacement de l’actuel musée d’Orsay. Les portes en bronze marquaient habituellement les entrées des grandes églises, comme la Porte du Paradis au baptistère de Florence, que Rodin avait pu admirer lors de son voyage transalpin. Le sculpteur décide alors de lui répondre en proposant la Porte des Enfers, illustrant des personnages issus des scènes de La Divine Comédie de Dante.
Rodin commence la sculpture du plâtre en 1880. Dans le même temps, le projet de construction du musée tarde et fini par être abandonné avec les financements nécessaires pour faire fondre l’œuvre. La première version en plâtre se trouve au musée d’Orsay, là où elle était destinée.
Ce gigantesque bronze, qui regroupe certains des plus grands succès de l’artiste n’a été fondu qu’après sa mort en 1917. 30 années durant, il la retouchera pour sans cesse l’améliorer. Elle est aujourd’hui présentée dans le jardin, à gauche de l’entrée, immanquable lorsque l’on vient visiter le musée Rodin.
Les Trois Ombres
Dans le jardin du musée Rodin, vous pouvez admirer à deux reprises les Trois Ombres : au sommet et en face de la Porte des Enfers. La version en face est, est bien plus grande et impressionnante. Elle est aussi à hauteur d’homme et donc plus facilement appréciable.
Ces trois figures identiques regardent vers le bas, les mains droites rassemblées comme pour donner de la force aux personnes qui pénètrent par la Porte des Enfers. Leurs épaules liées, et leurs cous exagérément penchés créent une ligne, dont émane une force expressive novatrice pour l’époque.
Les Bourgeois de Calais
Cette œuvre inaugurée en 1895, était à l’origine une commande faite par la ville de Calais au sculpteur. Ces six bourgeois furent victimes en 1347 d’un rituel de reddition, imposé par le roi d’Angleterre. Leur sacrifice permis, entre autres, la survie des habitants de la ville des mains des envahisseurs anglais.
Ce rituel de capitulation habituellement humiliant est alors mythifié par le maître qui met en avant leur courage, et leur héroïsme plein d’abnégation pour sauver leur ville. Vêtus tels des martyrs, les pieds nus et une corde autour du cou, ce monument aux morts plein de réalisme est de forme cubique et non pyramidale. Chaque personnage exprime une émotion différente grâce à leur visage, mais également la position de leur corps.
Ensemble, sans piédestal, ils sont à la hauteur des hommes qu’ils ont sauvé. Moi-même j’apprécie énormément visiter le musée Rodin ne serait-ce que pour cette oeuvre phare.
Le Penseur
Cette œuvre connue mondialement représente Dante devant les portes de l’enfer, en train de méditer sur son poème. Le Penseur est représenté nu pour deux raisons : montrer le corps d’un homme musclé qui allie l’exercice de l’esprit à celui du corps, mais aussi pour représenter l’universalité de la pensée. Fallait-il dont venir visiter le musée Rodin ? Oui !
Le Penseur est l’une des seules œuvres visibles depuis le boulevard des Invalides à-travers les grilles mais de dos… Pour l’admirer dans toute sa splendeur depuis son piédestal, au milieu de quatre allées fleuries, il faut rentrer dans le jardin du musée Rodin et se diriger ensuite vers la droite. Vous pouvez la retrouver à l’intérieur également du musée, présentée sous différentes tailles.
Sur la Porte des Enfers, en arrière-plan du Penseur, de nombreuses âmes semblent errer tandis qu’en-dessous, d’autres chutent. D’un calme profond, ce contraste contribue encore une fois à comprendre la force expressive de cet homme profondément plongé dans ses pensées.
Le Monument à Balzac
Il faut visiter l’ensemble du jardin du musée Rodin, pour pouvoir admirer ses œuvres les plus monumentales. Parmi elles, discrètement installée sur la droite de l’hôtel de Biron, retrouvez la statue en hommage à Balzac, considérée par certains comme le chef-d’œuvre le plus engagé de Rodin, et comme une pièce maîtresse de l’art contemporain.
Le Monument à Victor Hugo
En 1885, les obsèques de Victor Hugo au Panthéon furent mémoriaux, et on passa commande à Rodin pour lui élever un monument destiné à ornementer le monument du quartier latin. Le sculpteur décide alors de représenter le romancier pendant son exil à Guernesey, assis au bord des rochers et tendant son bras comme pour calmer les flots.
Visiter le musée Rodin et découvrir sa relation avec Camille Claudel
Camille Claudel est âgée de 19 ans quand son professeur de sculptures est remplacé par Rodin lui-même, alors de 24 ans son ainé en 1882. Après avoir remarqué ses talents, le maître se rapproche de celle qui fut sa maitresse pendant plus d’une décennie mais également une de ses praticiennes.
De cette relation mais aussi des Fleurs du Mal de Baudelaire, naîtront les œuvres l’Éternel Printemps et le Baiser. La première en bronze célèbre l’amour… et le Printemps quand la deuxième en marbre représente un couple enlacé. Cette dernière devait se retrouver à l’origine sur la Porte des Enfers. Finalement, deux amants en bas de la colonne inférieure droite la remplacent.
À l’intérieur du musée, certaines œuvres de Camille Claudel trouvent naturellement leur place parmi celles Rodin : la Vague, mais également les Baigneuses représentant trois petites femmes de bronze, pliant les genoux pour se cacher de l’énorme vague faite de marbre-onyx qui va s’écrouler sur elles. Le jeu des différentes couleurs entre les matériaux semi-précieux utilisés confère cette majestueuse mouvance à l’œuvre.
Autre œuvre majeure de Camille Claudel exposée au Musée Rodin : l’Âge Mur datée de 1899. Si elle est souvent interprétée comme une œuvre autobiographique, ce serait pour illustrer les hésitations de Rodin entre Camille sa jeune amante et Rose qu’il épousa bien plus tard, lorsque celle-ci fut mourante. On y voit la vieillesse et la mort entraînant un homme qu’une jeune femme à genoux tente de retenir sans le toucher. À nouveau dans la mouvance, cette œuvre fascine par l’expression des visages mais également des corps.
La meilleure saison pour visiter le musée Rodin
Une grande partie du jardin des sculpture est magnifiquement agrémenté de roses. La meilleure saison pour se rendre au musée Rodin est donc entre juin et septembre. Au grès des différentes statues magistrales et des parfums de rose, votre visite sera alors enchanteresse.
Le jardin est divisé en 2 parcours thématiques : le jardin d’Orphée à la fois végétal et rocailleux sur la partie est et le jardin des sources, jalonnés de points d’eau à l’ouest du côte du boulevard des Invalides. Pour repérer l’ouest, il suffit de chercher du regard le dôme doré de l’hôtel des Invalides qui se trouve à proximité.