Jean-Michel Basquiat – Exposition temporaire Fondation Vuitton

Fondation Louis vuitton avec vue en fond sur le jardin d'acclimatation appartenant au Bois de Boulogne
Du 3 octobre 2018 au 21 janvier 2019, avait lieu à la Fondation Louis Vuitton, une exposition événement retraçant le génie de Jean-Michel Basquiat.

En 8 ans de travail, il a laissé derrière lui près de huit cents tableaux et mille cinq cents dessins. Ses thèmes de prédilection étaient New-York et la diaspora africaine dans le contexte américain de l’époque, et ses éléments distinctifs : des couronnes et des visages grimés en masques bien représentés à la Fondation Louis Vuitton.

Si vous avez manqué cette exposition ou souhaitez simplement la revivre de manière enrichie, nous vous proposons une rétrospective en images accompagnée de descriptions et d’histoires concernant ses œuvres. Depuis ses premières expositions jusqu’à sa mort en passant par ses multiples collaborations avec Andy Warhol, redécouvrez le génie, l’artiste, le tourmenté Jean-Michel Basquiat.

Le parcours qui montrait plus de cent vingt œuvres, suivait chronologiquement les années de travail de Basquiat, rythmées par des associations inédites et des rapprochements thématiques.

Comprendre Jean-Michel Basquiat

À première vue lorsque débutait la visite de cette exposition, le visiteur pouvait être surpris par le style artistique de Basquiat. Il est bon de rappeler l’enfance de Basquiat pour mieux comprendre qui il était et quelles sont les sources d’une trajectoire aussi fabuleuse que tragique.

Jean-Michel est né à Brooklyn d’un père d’origine Haïtienne et d’une mère d’origine Portoricaine. Très rapidement, il apprend à lire et à écrire et parle couramment le français, l’anglais et l’espagnol. Sensible à l’art, la mère de Jean-Michel l’emmène régulièrement au MoMA (le musée d’art moderne de New-York, comparable au Centre Pompidou de Paris) et l’encourage à développer ses talents de dessinateur mais ses parents divorcent en 1967 et père s’occupe du futur artiste et ses deux soeurs.

Son talent précoce, le jeune Basquiat l’exerce dans la rue en vendant des T-shirts et des cartes postales de sa fabrication car après avoir quitté l’école avant la fin de ses études secondaires en 1977, il est banni de chez son père et doit subvenir par lui-même à ses besoins. Il rencontre un jeune graffeur, Al Diaz, avec qui il se liera d’une profonde amitié. Ensemble, ils s’approprient comme atelier les rues du Lower East Side new-yorkais où ils tagguent les murs de SaMO, pour « Same Old Shit ». Ces graffitis lui permettront d’attirer l’attention dans le milieu de l’East Village. Puis sa notoriété naissante l’amènera à continuer son projet en solo jusqu’à signer SAMO IS DEAD sur les murs de SoHo en 1979.

Puis tout va très vite pour le prodige. En 1980, il rencontre Andy Warhol avec qui il collaborera plus tard, et sa notoriété continue de grimper grâce à sa participation au Times Square Show, qui est sa première exposition publique officielle. En 1981, lors de l’exposition « New-York / New Wave », il est remarqué par d’importants marchands et critiques d’art. Puis un article dans un magazine mensuel d’art contemporain américain le couvre d’éloges et propulse définitivement le destin radieux, artistiquement parlant, de Basquiat.

C’est donc après conquis un quartier de New-York, puis la ville elle-même et enfin les Etats-Unis que son talent s’exporte en Europe, en Italie d’abord, à Modène où a lieu sa première exposition personnelle.

En 1982 et 1983, le succès est toujours grandissant et l’artiste est exposé parmi les plus prestigieuses galeries d’art moderne. Mais Jean-Michel Basquiat avait un rêve : il voulait devenir célèbre, et pour y parvenir il comprenait la nécessité de collaborer avec Andy Warhol, qu’il aborda dans un restaurant pour lui proposer certaines de ses créations sur des cartes postales. Pas à pas, les deux artistes s’apprécièrent au-delà du travail et de la collaboration artistique. Andy Warhol considérait Basquiat comme « un miroir reflétant ce qu’il a été, ce qu’il est et aurait rêvé d’être ». Leur complémentarité est la source d’une centaine de toiles, montrés plus tard dans cet article.

La disparition d’Andy Warhol en 1987 pousse le jeune Basquiat à mener une existence plus simple, où il produit peu, et où la drogue commence à faire ses effets. Après une dernière tentative en cure de désintoxication pour arrêter, il est retrouvé mort, victime d’une overdose d’héroïne et de cocaïne en août 1988.

Heads : symboles des peurs de Basquiat

Dès la première salle, nous était présenté celui qui s’est imposé de manière fulgurante au début des années 80 au-travers de la série de tableaux Heads : trois têtes iconiques de 1981, 1982 et 1983. Ces trois tableaux expriment directement l’ambition de Basquiat de donner au corps noir une visibilité physique, politique et symbolique. Tout de suite, son style artistique éclate aux yeux des visiteurs. Sur ces trois tableaux iconiques, son inimitable trait évoque avec rage les enjeux sociaux et économiques cruciaux auxquels étaient confrontée la communauté afro-américaine de cette époque. Réunies pour la première fois à Paris, ces têtes montrent à la fois des masques, des visages et des crânes.

Celle de 1981 est la plus imposante par ses sutures et la douleur évoquée sur fond de couleurs vives. La tête de 1982 est quant à elle plus expressive, plus enragée et attire le regard par la multitude de traits noirs appuyés et le rouge utilisé pour le contour des yeux. La dernière qui évoque le crâne fracassé est encore plus abstraite. Les traits sombres ont laissé la place à un rouge dominant la majeure partie de l’œuvre et le regard est davantage porté sur les yeux peints en jaune.


Heads (1981)


Heads (1982)


Heads (1983)

Les rues de New-York : les ateliers de Basquiat

D’autres œuvres indiquent le choix d’utiliser les rues de New-York comme atelier telle Brett as a negro, peinture sur du carrelage, les deux Grillo ou Gold Griot, peintures sur bois (volets qui une fois peints étaient rachetés aux propriétaires). Sur chacune, l’artiste insère sa propre vision et les confronte à ses propres écritures.


Brett as a negro (1982)

Sur les deux Grillo, l’artiste multiplie les références aux formes et cultes d’origine africaine, en mêlant de la peinture acrylique, du collage papier et des clous de fétiches, symboles hérités d’idéogrammes. Le premier est accompagné de la lame d’une divinité africaine et de papiers représentant les exploitations des colonies tandis que le second porte la traditionnelle couronne à trois pointes, symbole de l’univers de Basquiat.


Grillo, Jean-Michel Basquiat (1984)


Grillo, Jean-Michel Basquiat (1984)

Gold Griot est également une peinture sur bois, peint en doré. Le terme Griot renvoie aux conteurs, poètes et musiciens itinérants qui transmettent les traditions orales dans certaines parties d’Afrique de l’Ouest. Le personnage est une figure africaine élevé au rang d’icône dont le maquillage propre aux rituels fait écho aux récits de la diaspora africaine.


Gold Griot, Jean-Michel Basquiat (1984)

Basquiat et son combat contre le racisme

Parmi les œuvres présentées durant cette exposition, « Basquiat dépeint la conditio et la révolte de l’homme noir dans sa lutte contre l’oppression, maniant simultanément épaisseur historique et actualité » tel que nous indique la Fondation Louis Vuitton sur l’un des murs.

Sur Hollywood Africans in Front of the Chinese Theater With Footprints of Movie Stars, peint en 1983, Basquiat évoque les stéréotypes transmis par l’industrie cinématographique sur la communauté afro américaine. Ces caricatures metaent en scène l’artiste lui-même avec deux de ses amis, mâchoires serrées, dents apparentes, quand elles ne sont pas indiquées par « Teeth » montrent le sentiment d’insécurité et d’agitation ressenti à cette époque.


Hollywood Africans in Front of the Chinese Theater With Footprints of Movie Stars, Jean-Michel Basquiat (1983)

Dans Offensive Orange (1982), deux guerriers noirs archaïques armés de glaives se font face, sur un fond orange. L’agressivité de cette couleur est appuyée par la position des deux protagonistes : celui de gauche avec une couronne d’épines (tel le Christ) semble en position de défense, celui de droite est dans un mouvement d’attaque caractérisé par des traits secs et des cheveux hirsutes.


Offensive Orange, Jean-Michel Basquiat (1982)

Cette précédente allégorie de l’affrontement entre deux personnes afro-américaines est reprise dans La Hara (1981), argot portoricain pour « Police », et dans Irony of a negro policeman(1981). Basquiat y apporte en effet, un regard émotionnellement chargé et menaçant sur des figures noires corrompues par la discrimination raciale.


La Hara (1981)


Irony of a negro policeman (1981)

Dans Obnoxious Liberals (1982) Basquiat se met en scène à gauche sous les traits d’un homme noir enchainé entre deux colonnes blanches. À droite, le capitalisme se montre sous la forme d’un personnage au visage doré, entouré de dollars et portant un chapeau de cow-boy. Au centre, la figure au chapeau haut de forme est présenté comme le marchand d’esclave.

Notez que le « Not For Sale » (pas à vendre) peut avoir été marqué en post-production de l’œuvre. En effet, il arrivait lors d’exposition dans des galeries que certains admirateurs émettaient des remarques telles que « Avec un peu de vert, ce tableau irait très bien dans mon appartement ». Ce qui rendait fou de rage l’artiste qui n’hésitait pas alors à écrire ces trois mots pour indiquer que son œuvre n’était pas un divertissement.


Obnoxious Liberals (1982)

Avec Boxer (1982), où est dépeint à nouveau le corps noir dans une image puissante, centré sur l’anatomie du personnage dont les proportions sont surhumaines. Sa posture belliqueuse et ses bras levés vers le ciel sont un signe de protestation : Basquiat s’insère dans ce tableau, prêt pour le combat, armé de ses poings.


Boxer (1982)

La collaboration de Basquiat avec Andy Warhol

Ce que Keith Haring décrivait comme « une sorte de conversation ininterrompue, en peinture plutôt qu’en mots » c’est la relation artistique qu’entretenait Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat, concrétisée par plus de cent cinquante toiles. L’inspiration de l’un viendra de l’univers de l’autre et vice versa, Brown Spots portrait of Andy Wahrol as a banana étant l’un des exemples les plus frappants. Warhol est évoqué sous les traits de la perruque argentée, au sommet d’une banane, dans le style très personnel de Basquiat.


Brown Spots portrait of Andy Wahrol as a banana (1984)

Riding with death (1988) est unique car tout en reprenant son style habituel, Basquiat propose un tableau qui ne ressemble à aucun autre. La mort s’y exprime sur un fond uni, presque silencieux, où un cyclope monte un squelette. Cette toile qui était pour la première fois exposée à Paris évoque les ravages du sida et de la drogue dans l’univers artistique new-yorkais des années 80 et surtout la disparition inattendue d’Andy Warhol en 1987.


Riding with death (1988)

La critique de la société de consommation par Basquiat

Dans Museum Security, Broadway Meltdown (1983), une des œuvres les plus textuelles de Basquiat, la société de consommation est ouvertement critiquée. Utilisant la technique du sampling, sorte de copier-coller, l’économie, la politique et l’art, il évoque ses racines Haïtiennes avec Papa Doc, dictateur des années 60. « Priceless Art », « Esso » et les différents « New » sont des critiques directes envers la société de consommation.


Museum Security, Broadway Meltdown (1983)

Pez Dispenser (1984), mon œuvre préférée de l’exposition, montre iconique couronne à trois pointes de Basquiat consacrant un distributeur surdimensionné très répandu aux États-Unis. Ici, l’artiste ironise sur la place grandissante que prend la grande consommation dans le quotidien de tous.


Pez Dispenser (1984)

Lors de la rédaction de cet article, les chiffres sur la fréquentation de cette exposition ne sont pas encore publics mais il est certain qu’ils seront élevés. Associée à celle d’Egon Schiele, autre artiste ayant marqué le début du XXème siècle et également disparu avant ses 30 ans, la Fondation Louis Vuitton proposait une exposition temporaire rare et incontournable, à tel point, qu’elle fut prolongée d’une semaine.

L’éblouissante découverte de cet artiste iconique est le fruit d’un travail exceptionnel de la part des organisateurs que toute l’équipe de Keewego tenait à remercier. Pour toutes les personnes qui n’ont pas eu la chance de s’y rendre et toutes celles qui souhaitent découvrir davantage d’œuvres exposées peuvent consulter le compte Pinterest de Keewego Paris, contenant 71 tableaux parmi les 120 présentés.

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L'auteur : François-Baptiste

Guide et rédacteur d’articles pour Keewego depuis 2018, j’ai eu le plaisir de rencontrer des visiteurs venus du monde entier avec qui le contact est toujours très bien passé.

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